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Portrait Alumni – Julien Laporte (PGE 98) : Du redressement à la réussite internationale

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Promo 1998

Portraits d'alumni

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07.21.2025

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Julien Laporte (PGE 98)

président & CEO de BÉABA


Paysan et poète





Après un début de carrière dans le marketing, et plusieurs directions générales à L’Oréal et dans plusieurs PME, Julien Laporte a repris en 2016 l’entreprise de puériculture en difficulté BÉABA. Huit ans plus tard, son produit phare, le Babycook, robot multifonction dédié à la préparation et à la cuisson des repas des tout-petits, séduit même les chefs étoilés et règne en maître sur les marchés français et américains. Patron pragmatique et créatif, rémois d’origine et père de cinq enfants, Julien nous livre les recettes de ce succès.




Parcours

1998 Nescafé

1998 Danone, marque Evian, Espagne

2000 L’Oréal, marque Garnier, à Paris

2004 L’Oréal, CMO puis CEO États baltes (Lettonie), CEO Turquie à partir de 2006

2009 Laboratoires Forté Pharma, CEO (Monaco)

2011 L’Occitane en Provence, Melvita Global CEO (Paris)

2012 Alès Groupe, DG international (Paris)

2012 Crabtree & Evelyn, Global CEO (Londres)

2014 Fondateur de Blossom Partners Ltd (Londres)

2015 Cofondateur d’Un Air d’Antan (Nice)

Depuis 2016 Président & CEO de BÉABA (Childhome, Suavinex)

A été au board d’Arcade Beauty, de Beautynova et de QMS Medicosmetics. Est au board d’Iconic London, d’International Cookware et de Manucurist.

 

Comment débute votre carrière ?

J’opte pour le marketing avec deux souhaits : apprendre au sein de grands groupes, au contact de marques prestigieuses, et accomplir un parcours international. Je décroche un stage chez Nescafé, en France, puis un poste de responsable marketing à Barcelone pour la marque d’eau minérale Evian. Au bout de deux ans, je rejoins mon épouse, basée à Paris, et j’intègre L’Oréal comme coordinateur marketing de Garnier pour l’Europe. Je suis ensuite nommé responsable de la marque Ambre Solaire à l’international au bout de dix-huit mois, puis directeur marketing et DG desPays baltes, à la tête d’une équipe de 60 personnes, alors que je n’ai que trente ans. À trente-trois ans, après avoir été DG de L’Oréal Turquie, j’ai considéré qu’il était temps de passer à une deuxième phase de carrière, plus entrepreneuriale, en PME, où ma contribution et mon impact seraient plus importants que chez L’Oréal. Je vais successivement occuper des postes de direction au sein des Laboratoires Forté Pharma, de L’Occitane, puis de la marque Crabtree & Evelyn basée en Angleterre. En mettant en pratique la philosophie et les règles de marketing, de gestion et de management apprises chez L’Oréal.


L’une des devises de L’Oréal est : 

“Pour réussir, il faut être poète et paysan.” 
Paysan pour le côté pragmatique, poète pour la dimension créative. Je me définis dans ces deux dimensions.”


 

Quels sont ces enseignements ?

L’une des devises de L’Oréal est : “Pour réussir, il faut être poète et paysan.” Paysan pour le côté pragmatique, poète pour la dimension créative. Je me définis dans ces deux dimensions. La partie réflexion, analytique, c’est le background d’études des diplômés d’écoles de commerce. Ce qui fait la différence, c’est la capacité à innover à partir de cette analyse. “La créativité naît de la contrainte”, comme l’énonçait Picasso. L’Oréal, ce sont des marques leaders, une incroyable capacité d’innovation produit et marketing, mais aussi une machine formidablement huilée, qui pratique une orthodoxie financière rigoureuse et maîtrise à la perfection les méthodes de gestion. C’est enfin un groupe qui met l’humain et le collectif au premier plan. J’ai adopté et adapté ces “best practices” dans l’univers des PME, en mettant encore plus l’accent sur l’importance d’avoir des équipes à la fois talentueuses et motivées.


Pourquoi avez-vous choisi ensuite de monter une société de conseil en fonds d’investissement ?

Parce que l’opportunité s’est présentée. J’ai monté une petite structure de conseil pour des fonds d’investissements qui souhaitaient investir dans le secteur des cosmétiques et du retail. Ensuite, une des sociétés que j’avais conseillée, Bridgepoint, m’a proposé de diriger le français BÉABA, un spécialiste de puériculture, dont ils étaient propriétaires. Considérée comme un actif problématique, provisionné à 100 %, l’entreprise risquait de disparaître à tout moment. Je l’ai reprise en 2016, par goût du challenge, et parce que je croyais à son potentiel de développement, alors qu’elle était placée en procédure de sauvegarde.


Comment êtes-vous parvenu à la redresser ? 

La phase de retournement a été extrêmement compliquée. BÉABA était très endettée, ne réalisait pas de profit et n’avait pas de trésorerie. Il a fallu renégocier la dette avec les banques et élaborer une nouvelle stratégie en ré-injectant de l’innovation produit – toujours l’école L’Oréal ! – qui était d’ailleurs dans l’ADN de BÉABA. Fondée en 1989, l’entreprise avait mis au point le “Babycook”, le premier robot multifonction dédié à la préparation et à la cuisson des repas des tout-petits. BÉABA était leader incontesté de cette gamme de petit électroménager en France, mais très peu présent à l’étranger. Internationaliser la marque fut mon deuxième pilier de croissance. Enfin, nous nous sommes pleinement engagés dans la digitalisation de l’entreprise et les ventes online, notamment via Amazon. Nous sommes repartis sur des bases de croissance très forte dès 2018. Alors que Bridgepoint avait considéré que la société valait zéro, nous l’avons vendue 40 millions d’euros à peine quatre ans plus tard au fonds européen BlueGem Capital Partners.

 

Vous avez également pris la décision de relocaliser votre production ?

Nous étions déjà très sensibilisés aux changements géopolitiques qui sont à l’œuvre aujourd’hui, et dont nous vivions les prémices. Par ailleurs, pour des raisons de contrôle de la production et de flexibilité de la chaîne logistique, je préférais fabriquer à deux heures de notre entrepôt plutôt qu’à deux mois de transport par cargos. Ce fut très compliqué, je ne vous le cache pas. Nous avons dû créer de toutes pièces des chaînes de production de petit électroménager avec notre partenaire ON, parce que cela n’existait pas en France. Le Babycook classique, qui était exclusivement composé de plastique, a fait place au Babycook Néo, un produit haut de gamme, essentiellement constitué de verre et d’acier. Au total, le surcoût de fabrication était de l’ordre de 35 à 40 %, ce qui est énorme. Nous l’avons commercialisé 30 % plus cher, avec succès ! Pourquoi ? Parce que le “Made in France” présentait un côté extrêmement rassurant pour les consommateurs. Et que notre Babycook Néo était perçu à juste titre comme étant de très bonne qualité, du fait entre autres de l’innocuité indiscutable des matériaux. Le Made in France, comme je l’explique souvent, est un facteur de réassurance, mais ce n’est pas une promesse produit. La promesse produit, pour les clients de BÉABA, c’est d’avoir un robot électroménager multifonctions, dédié à la préparation et à la cuisson des repas des tout-petits, fabriqué par l’inventeur de la catégorie, et qui soit extrêmement sain, à l’âge ou la qualité de l’alimentation est si importante dans le développement de l’enfant. Et toutes ces garanties ont un prix.

 

Comment avez-vous développé BÉABA ensuite ?

En partie par croissance externe. Nous avons eu l’opportunité d’acquérir à un prix très compétitif Childhome, une excellente marque belge avec de fortes positions sur son marché local, qui générait une douzaine de millions d’euros de chiffre d’affaires. Puis nous avons racheté Suavinex, les leaders espagnols de la tétine et du biberon. Une superbe marque, mais vendue principalement dans les pharmacies. Nous avons pu ainsi diversifier notre gamme de produits en ajoutant aux biens durables de BÉABA les produits de puériculture de consommation plus quotidienne de Suavinex. Nous lui avons appliqué les mêmes méthodes qu’à BÉABA au moment de son redressement : accélération de l’innovation, de la digitalisation et de l’internationalisation en utilisant les structures de BÉABA. Nous progressons fortement, par exemple, sur le segment des cosmétiques pour bébés. Notre groupe va réaliser cette année 125 à 130 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont la moitié en France et en Espagne, et autour de 20 millions de profit.

 

Combien de personnes employez-vous ?

Environ 500 personnes dans le monde. Notre plus grand contingent se trouve en Espagne, où nous avons deux usines (une autre se situe en Slovaquie) et une équipe commerciale qui visite les 9 000 points de vente espagnols. Cela représente environ 250 personnes.

Nous possédons 10 filiales, avec une présence significative en Asie et quelques collaborateurs aux États-Unis. Le “Made in France” est-il plus que jamais d’actualité ?

Notre ambition est d’adresser tous les types de consommateurs. Au total, nous vendons environ 250 000 Babycooks chaque année, en Europe, en Asie et aux États-Unis. Notre stratégie de relocalisation se révèle aujourd’hui plus payante que jamais. Malgré son prix plus élevé, le Babycook Néo est leader en France et aux États-Unis, notre troisième marché le plus important, où il est vendu 279 US dollars, soit 35 % plus cher que la concurrence. Plus cher pour l’heure… Car les marques qui fabriquent en Chine vont être pénalisées par le niveau extrêmement élevé des taxes appliquées à leur entrée sur le sol américain. Nous vendons aussi des centaines d’autres références produits de puéricultures. Au total nous fabriquons 17 millions d’unités dans nos 3 usines en Europe.


Qu’en est-il des composants qui entrent dans la fabrication du Babycook Néo ?

Le défi de la réindustrialisation française se situe à deux niveaux. Il faut disposer d’unités de production capables d’assembler les différents éléments, et le Babycook Néo compte pas moins de 69 composants différents. Pour chacun d’entre eux – lames en acier, bols en verre – il faut trouver un fabricant en France. C’est le cas à 85 % pour le Babycook Néo, ce qui nous permet d’obtenir la certification “Origine France Garantie”, supérieure au simple label “Made in France”, et qui est octroyée à partir de 70 % de valeur ajoutée sur notre territoire. Toute la plasturgie, notamment, est assurée chez notre sous-traitant français.

Le seul sujet qui reste entier concerne la carte électronique, car on n’en fabrique quasiment plus ni en France ni en Europe.



Le Babycook Néo – 250 000 exemplaires vendus chaque année en Europe, en Asie et aux États-Unis – est leader en France et aux États-Unis.


Est-ce que la baisse de la natalité, assez marquée en Europe notamment, impacte votre activité ?

Elle nous impacte évidemment. C’est le marché que nous adressons. Mais le profil des parents évolue. Ils sont plus âgés, ils bénéficient d’un pouvoir d’achat plus élevé, ils ont plus à coeur aujourd’hui qu’hier d’entourer leur enfant des meilleurs soins. Conséquence, le marché se “premiumise”. Les marques de produits bébés bas de gamme sont beaucoup,plus touchées que nous par la baisse de la natalité. Les fondateurs de BÉABA étaient visionnaires. Aujourd’hui, la qualité de l’alimentation, le fait de choisir ses ingrédients pour préparer soi-même son repas plutôt que d’acheter un petit pot dont on n’est pas complètement certain de la qualité et de la provenance compte énormément pour bon nombre de parents.


Imaginez-vous un jour concurrencer le Thermomix ?

Non ! (rires) Thermomix, c’est une énorme boîte et ils sont très bons ! Nous sommes en quelque sorte le “Thermomix de la petite enfance”, mais pas que ! Nous avons répertorié 5-6 chefs triplement étoilés qui utilisent les Babycooks pour confectionner leurs sauces et leurs soupes. La cuisson vapeur préserve complètement les nutriments et notre appareil mixe les ingrédients d’une manière très spécifique, conférant aux préparations une texture unique. Beaucoup d’étudiants s’équipent d’un Babycook ! Il est robuste, simple d’utilisation, peu encombrant et permet de préparer des repas sains, des purées de légumes par exemple.


Quel est l’avenir de BÉABA, et le vôtre ?

Cela fait huit ans que j’ai repris BÉABA. C’est une très belle aventure et elle est loin d’être terminée ! Cela a été très excitant de redonner vie à cette entreprise, de créer des emplois. Aujourd’hui nous avons la possibilité de construire un groupe paneuropéen en achetant d’autres sociétés en Italie, en Allemagne. C’est un secteur qui est très peu concentré, et BÉABA est sur une trajectoire et une dynamique extrêmement intéressante.

Nous entrons dans une nouvelle dimension. ❚

 


 BÉABA a racheté Suavinex en 2022, leader espagnol de la tétine et du biberon, ajoutant les produits de puériculture de consommation plus quotidienne à ses biens durables.


Propos recueillis par Patrice Theillout

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